31 Juillet 2014

Les mesures du diamètre solaire

Au XVIIe siècle, Jean Picard a mesuré avec précision le diamètre solaire en fonction du jour de l'année pour déterminer l'excentricité de l'orbite terrestre (en effet, le diamètre solaire apparent varie si l'orbite est elliptique). Ces mesures furent effectuées au moment où le climat de la Terre était particulièrement froid et pendant le minimum de Maunder, c'est-à-dire en cette période où le Soleil était presque dépourvu de taches. Les mesures de Picard analysées ultérieurement ont révélé que le Soleil avait un diamètre sans doute plus grand d'une demi seconde d'arc par rapport à sa valeur à la sortie du minimum de Maunder (Ribes et al., 1987). Les mesures de la constante solaire effectuées depuis 1978 ont été modélisées à partir des taches et facules. Ce modèle appliqué aux observations anciennes a permis de reconstituer l'irradiance solaire totale pour les périodes passées. Il apparaît une remarquable corrélation entre cette dernière et les variations de la température moyenne (Lean et al., 1995) en particulier au XVIIe siècle, sauf en période de forte activité volcanique (Figure 1). La quantité de dioxyde de carbone connue grâce aux carottages glaciaires a permis de montrer qu'une insuffisance de l'effet de serre ne pouvait pas être invoquée pour expliquer la rigueur du climat de cette époque. Un tel événement climatique aussi bien documenté revêt donc une grande importance. Or, à cette époque le diamètre solaire était différent de ce qu'il est actuellement traduisant un état singulier du Soleil.

Après Picard, les mesures continuèrent, mais en raison de la diversité des instruments utilisés, il est difficile d'extraire une tendance séculaire. Différentes méthodes furent et sont toujours utilisées dont il ne ressort pas de résultats cohérents. Les mesures ont été obtenues par différentes méthodes (passage au méridien, passage de Mercure devant le Soleil, astrolabes, télescopes imageurs, héliosismologie). Les périodes de mesures sont différentes et les mesures elles-mêmes ont été effectuées dans des domaines spectraux variables d'un instrument à l'autre et contenant des raies de Fraunhofer susceptibles de variations en fonction de l'activité chromosphérique. Qu'en est-il exactement ?

Certaines mesures n'indiquent aucune variation de diamètre (Brown et Christensen-Dalsgaard, 1998) alors que pour la même période les observations de Ulrich and Bertello (1995) montrent une variation avec l'activité solaire. La mesure de la durée de passage de Mercure devant le Soleil permet de déduire la valeur du diamètre solaire. Ces mesures montrent une variation périodique en relation avec le cycle de Gleissberg (Parkinson, 1980, 1983) dont la durée est de l'ordre de 90 ans. Les variations du diamètre solaire obtenues à l'aide des éclipses de soleil (Sofia et al., 1983, 1985) montrent une anticorrélation avec l'activité solaire comme les mesures de Picard le suggéraient. Cependant les mesures récentes montrent des incohérences entre elles. La plus longue série a été obtenue avec l'astrolabe de Danjon placé au plateau de Calern (Laclare et al., 1996) qui a révélé une anticorrélation entre l'activité solaire et le diamètre tendant à se dégrader vers les années 2000, puis montrant de nouveau l'anticorrélation pour les mesures récentes (Delmas et Laclare, 2002). Cependant, le même instrument placé à Santiago montre une variation en phase avec l'activité et ayant une amplitude cinq fois plus grande qu'à Calern (Noël, 2004). De façon évidente, les mesures au sol sont affectées par la traversée des photons dans l'atmosphère où la diffusion, la turbulence et les absorptions peuvent expliquer les résultats incohérents montrés ci-dessus. Ainsi, certaines mesures montrant un diamètre constant, d'autres une anticorrélation ou une corrélation avec l'activité solaire, des mesures hors atmosphère sont nécessaires pour déterminer si le diamètre varie en fonction de l'activité ou ne varie pas. L'instrument Solar Disk Sextant (Sofia et al., 1994a, b) a mesuré le diamètre du soleil et son aplatissement à partir d'une plate-forme sous ballon stratosphérique. Quatre vols furent effectués, montrant d'une part une anticorrélation avec le cycle solaire et d'autre part un accord avec les mesures effectuées à Calern. Cependant quatre vols sous ballons ne permettent pas de conclure. En orbite, l'instrument MDI à bord de SOHO étudie la structure interne du soleil par l'observation des modes oscillation (Kosovichev et al., 1997). Parmi les modes observés, les modes f permettent de déduire le rayon de la sphère à l'intérieure de laquelle ces oscillations se propagent (Schou et al., 1997). En ajustant les fréquences d'oscillations prévues par un modèle avec celles observées, on peut déduire le rayon de la sphère. Ce rayon est appelé "rayon sismique" et son altitude est située entre 5 000 et 10 000 km sous la photosphère. Les résultats obtenus montrent une très petite variation de rayon à cette profondeur. Selon les méthodes de traitement on obtient une absence de variation (Dziembowski et al., 2000 ; Antia et al. 2003), une corrélation (Dziembowski et al., 1998) ou une anticorrélation (Antia et al., 2000 ; Antia et al., 2001 ; Dziembowski et al., 2001) avec l'activité solaire. Cependant, MDI a enregistré des images dans le continuum photosphérique qui peuvent être utilisées pour déduire le diamètre solaire et ses variations. L'ensemble des mesures acquises depuis 1995 montre une variation du diamètre solaire dans laquelle on distingue des effets instrumentaux importants. Après corrections instrumentales, la variation séculaire serait inférieure à 15 mas par an. (Emilio et al., 2000 ; Kuhn et al., 2004). Une étude détaillée des résultats obtenus par les différentes méthodes de mesure de diamètre a été effectuée par Thuillier et al., 2005.